« L’affaire » Siné : symptôme révélateur d’antisémitose

Publié le par L'Oracle

Article publié sur Agoravox ici et repris par Yahoo Actualité ici


Nous vivons dans un monde ou à chaque fois que l'on croit percevoir le froissement d'une touffe d'herbes on crie immédiatement « halte au loup ! ». Pire encore, on sort la grosse artillerie et on commence à tirer comme un cinglé partout et nulle part. Là où il faut et de plus en plus souvent là où il ne faut pas. Après quoi l'effet « boule de neige » se charge du reste. En voyant notre petit cinglé mitrailler tous les coins de toutes ses forces, d'autres cinglés vont affluer de partout, chacun avec sa grosse artillerie à lui. Car, pour rien au monde, il ne faut rater le plaisir d'être porté sur les épaules après avoir abattu le méchant loup qui tentait de faire bobo aux sages chèvres de M. Seguin. Et nous voilà dans un scénario digne de dessins animés, où les chasseurs s'étouffent à s'arracher le titre de héros alors que l'existence du méchant loup n'est même pas prouvée. Mais, franchement, ça servirait à quoi de prouver l'existence de la méchante bête tant que tout le monde s'amuse et passe du bon temps ?! On l'a bien compris : la comédie durera d'autant plus longtemps et attirera d'autant plus d'attention et de fous rires que la méchante bête n'existe pas.


Désormais, à chaque fois que certains cliniciens spécialisés dans les syndromes antisémites non identifiables vont accomplir l'héroïque tache de diagnostiquer à première vue et sans examen approfondi un malin cas d'antisémitisme, il vaut mieux accourir voir s'il n'y a pas là une manifestation d'antisémitose. Je veux dire par là cette attitude pathologique caractéristique d'un type de discours bien connu, et auquel on commence d'ailleurs à s'habituer, qui consiste à concevoir le Juif comme étant une pièce de collection mémorielle qu'il faut manier avec la plus grande prudence du monde pour ne pas l'abîmer. C'est ce même type de psychose que ladite « affaire Siné » vient mettre en évidence, et on sait, le futur en témoignera, qu'elle ne sera pas la dernière du genre.


Dans le numéro du 25 juillet de Libération, M. Joffrin, célèbre jongleur des mots spécialisé dans la rhétorique alambiquée à type de « monarchie élective », nous a donné un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler une antisémitose en stade « terminal » : un raisonnement tiré par les cheveux, une obstination à torturer les mots jusqu'à ce qu'ils avouent le sens qu'il veut leur arracher, et pour couronner le tout, un air d'humour froid mélangé à des raccourcis expéditifs à travers lesquels il nous livre son impitoyable verdict d'antisémitisme. Et pour mieux mener leur procès d'intention monté de toutes pièces, Joffrin & co sont allés fouiner dans le passé du gars pour faire sortir tout ce qui servirait à alourdir la charge initiale d'antisémitisme par de la préméditation. Morale de la fable : il ne faut jamais associer dans la même phrase les mots « juif », « argent » et « pouvoir », de peur de réveiller le diabolique Hitler qui dort paisiblement au fond de sa tombe.


C'est précisément le genre d'attitudes mille fois plus dangereuses et dévastatrices que tout discours explicite et flagrant de haine car non seulement elles le renforcent par rétrocontrôle positif, mais elles lui procurent à travers leurs hystériques incohérences et leur délirante susceptibilité une source intarissable où il puise toute sa légitimité.


En effet, ces mêmes politiques et intellectuels de salon, que l'on voit partir à la chasse des antisémites là où il n'y en a pas la moindre trace ne font, à travers leur ridicule acharnement plein de maladresses nauséabondes, que confirmer le cliché du « juif possédant tous les pouvoirs » qu'ils disent combattre. En criant aux antisémites à tort et au travers, ils s'inscrivent dans cette même logique du « cliché » qui dit que le « juif » a tellement de pouvoir que ses petits serviteurs accourent à lui faire preuve d'allégeance et de dévouement même quand la situation ne l'exige pas, et ce pour garantir la pérennité de sa bénédiction sans laquelle il leur aurait été impossible d'occuper le poste influent qu'ils occupent. Mode cliché OFF.


Ce que nous dit l'observation objective


Rappelons le passage incriminé de la chronique de Siné : « [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie ce petit ! ». Pour les amateurs de la sémiotique du langage, une petite analyse s'impose.


Le passage peut être découpé en deux grandes partie


1- [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive et héritière des fondateurs de Darty.


2- Il fera du chemin dans la vie ce petit !


I- La première partie est à son tour divisible en trois sous unités élémentaires, à savoir :


   1- [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme (Pourquoi ?)


   2- avant d'épouser sa fiancée, juive (Qui ?)

   
   3- et héritière des fondateurs de Darty.

La première sous unité est [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme et elle constitue le squelette principal de l'information. Si l'auteur s'était arrêté à ce niveau, la valeur de l'information se trouverait altérée, car le lecteur ne va pas comprendre le pourquoi de l'événement, c'est-à-dire pourquoi le fils Sarkozy veut se convertir au judaïsme. Du coup, l'auteur est obligé d'expliquer que c'est à cause du mariage du concerné avec une fille juive, ce qui est le sujet de la deuxième partie de la phrase. L'événement « conversion au judaïsme de Jean Sarkozy » appelle donc systématiquement l'explication « mariage avec sa fiancée juive », explication sans laquelle l'événement principal aurait été incompréhensible au lecteur. Avançons encore un peu : le fait de dire que Jean Sarkozy va se marier avec une fille X, n'éveille-il pas tout naturellement la curiosité du lecteur pour connaître l'identité de la future mariée du fils du président ? C'est tout à fait normal alors que le journaliste qui véhicule cette information lève cette ambiguïté en identifiant la personne de la fiancée, jusque-là inconnue, à quelque chose hypothétiquement connue, c'est-à-dire « Darty ».


Récapitulons : le (1) sollicite un « pourquoi ? » expliqué par le (2), qui à son tour sollicite un « qui ? » expliqué par le (3). Que reproche-t-on donc à l'auteur ? D'avoir fait son travail de journaliste ?



II- La deuxième partie du passage mis en cause est « Il fera du chemin dans la vie ce petit ! ». Or, en observateur objectif, on ne peut considérer que cette deuxième partie est exclusivement, uniquement et inséparablement liée à la première.


Le passage mis en cause n'est pas en réalité la totalité de la chronique, mais il en est juste un extrait. Le texte d'origine est : « Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet (encore lui !) a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est Arabe ! Ce n'est pas tout : [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie ce petit ! ».


La phrase « Il fera du chemin dans la vie ce petit ! » vient donc ajouter un effet conclusif à tout le texte après avoir énuméré les derniers « exploits » du « petit », devenu conseiller général UMP, sorti indemne de son procès en correctionnelle pour délit de fuite, et futur marié d'une bourgeoise. Mais pour les spécialistes de la contrefaçon linguistique et du piratage de sens, c'est tout à fait logique qu'ils essaient d'expliquer le « Il fera du chemin dans la vie ce petit ! » par rapport au « [Jean Sarkozy] vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme, etc. », vu que leur raisonnement qui tire par ses cheveux l'accusation d'antisémitisme est exclusivement basé sur l'interprétation de ces deux phrases considérées hors de leur contexte d'origine et non comme en faisant partie intégrale.


L'analyse délirante de ces victimes d'antisémitose ne peut donc avoir lieu que si elle déracine cet extrait du texte où il a pris naissance et le sépare de la suite logique de la construction initiale. Car les deux phrases ne peuvent fonctionner en générateur du sens d'antisémitisme que si elles sont mises à l'écart. Car il est plus facile de violer le sens des mots une fois isolés du texte auquel ils sont initialement solidaires. Aussi facile qu'est pour un bandit le viol d'une fille égarée de sa bande de copains et ramenée à subir seule les sévices de son agresseur, convaincu que « toutes les filles sont des putes » comme nos amis psychotiques sont convaincus que tout ce qu'ils veulent voir comme antisémite est indéniablement antisémite. Heureusement que le délire d'un déséquilibré n'amuse que sa cour...


En dehors de « l'affaire Siné » : « psychanalyse » de l'antisémitose


En sacralisant le symbole juif, on ne fait que l'assimiler à « Dieu ». Et dans une société qui se prétend aussi libre et ouverte que la nôtre, il y a forcément quelque chose qui cloche dans le fait que la figure de « Dieu », historiquement et anthropologiquement connue comme étant le symbole ultime de la puissance et du pouvoir, est constamment martelée par la dérision nitzschéenne de nos contemporains alors que celle du « juif » s'impose comme tabou intouchable transcendant par son indemnité historico-génocidaire tout humour et toute caricature. On a dit que le symbole du « juif » est assimilé à celui de « Dieu » et on s'est apparemment trompé : le symbole du « juif » est assimilé à quelque chose de plus supérieur et de plus divin que Dieu lui-même, vu qu'il est plus tolérable et beaucoup moins - voire nullement - condamnable de porter en dérision l'idée de « Dieu ». Sérieusement, où va-t-on ?


Les vrais antisémites sont ceux qui font du « juif » un tabou aussi gigantesque que le tabou du « sexe » ou de « Dieu » à l'époque du règne de l'Eglise. Et dire que ces mêmes personnes qui se prononcent en garants de la liberté et de la démocratie contre l'obscurantisme moyenâgeux... Nous assistons désormais à une vente aux enchères par médias interposés dans laquelle politiques et intellectuels de la basse-cour se bousculent comme dans une compétition ou celui qui divinise et victimise le plus la figure du « juif » gagne je ne sais quel week-end gratuit pour deux personnes dans un hôtel à deux balles. On oublie, ou peut-être bien qu'on néglige, que toute sacralisation appelle une désacralisation réciproque. Ceci relève de la nature même de l'homme qui part à la chasse du divin et du tabou parce que c'est cette chasse même qui donne un sens à sa liberté. Et tant que l'on incriminera à outrance toute innocente désacralisation de la victimisation à la fois abusive et divinatoire du « juif », victimisation que même des intellectuels juifs de renommée dénoncent, tant que la liberté de chasser ce type de tabou qui paralyse la vie intellectuelle continuera à s'exprimer par la violence, la haine et l'extrémisme. Que l'on ne marche pas alors le lendemain dans les funérailles de celui qu'on a tué la veille.


Lors de la couverture de BFM TV de la visite de François Fillon aux Etats-Unis et plus précisément de son discours devant l'AJC (American Jewish Comittee), je me souviens (hélas je ne peux documenter ce souvenir, dont je prends par ailleurs toute la responsabilité) que la journaliste qui a réalisé le reportage a dit que Fillon a fait un discours devant le « très influent » Comité Juif américain. Et à ma connaissance, jusqu'à aujourd'hui, il n'y a eu aucun procès politico-médiatique de la qualification de « très influent » attribuée par ladite journaliste à l'AJC, bien qu'elle associait dans la même phrase "argent", "juif" et "pouvoir". Où étaient Joffrin et Askolovitch à l'époque ? Seraient-ils tellement débordés par les "antisémites" qu'ils n'arrivent pas à les chasser tous ?


Dans la communauté juive, comme dans toute autre communauté, il y a du bon et il y a du mauvais, des gens qui oeuvrent pour le progrès de l'humanité, et d'autres qui oeuvrent pour leurs propres intérêts, en dépit de l'intérêt général. Si le fait de dire que le juif est par nature un diable est incontestablement du racisme, le fait de dire que le juif est par nature un ange est aussi un racisme d'une autre sorte, car, au contraire du premier, ce dernier place par « discrimination positive » la communauté des juifs au-dessus de tous les hommes en lui attribuant un caractère de perfection qu'aucun non-juif ne peut égaler.


Le fait que le bon et le mauvais coexistent partout est une évidence. Et l'antisémitisme est la maladive tendance de certains à diaboliser toute la communauté juive parce que certains de ceux qui s'en revendiquent ont une attitude jugée immonde, faisant ainsi assumer au tout la responsabilité du « péché » de quelques-uns. Et à mon modeste avis, la chronique de Siné, telle que peut le démontrer une analyse objective, est loin de s'inscrire dans cette tendance. Tout d'abord parce qu'elle a un caractère informatif, où tout ce qui est en relation avec le "judaïsme" est véhiculé en tant qu'information, et ensuite parce qu'il n'y a aucune prise de position de quelque nature que ce soit vis-à-vis de la dimension "juive" de la nouvelle du mariage. Même le "Il fera du chemin dans la vie ce petit !" est venu en guise d'ironisation envers la succession d'"exploits" qui viennent de faire du "petit" un "grand", et dont le dernier est non pas le fait de se marier à une juive, mais le fait de se marier tout court.


La manière de voir le monde en carreaux de noir et blanc, où tout ne peut être que totalement « bon » ou totalement « mauvais », est typiquement caractéristique du traitement expéditif et précipité de l'information qui ne peut engendrer que des hommes aux poumons incapables de respirer un air terrestre fait de toutes les odeurs. Car refusant de voir les contrastes situés entre les deux extrémités, ces personnes paramètrent leur conscience selon un mode de fonctionnement binaire dans lequel tout ce qui ne ressemble pas au noir ne peut être que du blanc et vice versa.


Devant un discours traitant - dans notre cas - d'une question en relation avec le sujet « juif », ce type de raisonnement entraîne son forgeur à concevoir comme « antisémite » toute référence qui n'est pas « pro-sémite ». Si ce n'est l'un, c'est que c'est forcément l'autre. Voyons voir à quel type d'élites on est en train de confier la gestion de la vie publique si ce n'est une poignée de personnes qui fonctionnent encore selon le vieux et archaïque principe booléen qui fait fonctionner la matrice d'un programme machinal. Un raisonnement digne de la « vache qui rit » et non d'hommes qui méritent leur titre d'humanité.


Avec un CV pareil, ces « élites » ont mérité un pass gratuit pour l'asile des damnés de la connerie humaine. Et peu importe si cet asile prend momentanément ou durablement le nom de « direction de Charlie Hebdo » ou autres, nous savons tous que les mots ne font pas les choses, et que le mot « chien » ne mord pas.

Publié dans Antisémitose

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