Silence...ça tourne

Publié le par L'Oracle

Note : Quand j’ai eu l’idée de créer ce blog je n’avais pas du tout en tête l’idée d’en faire un espace exclusivement réservé au traitement des sujets relatifs à la franc maçonnerie, et il ne le sera pas d’ailleurs. Il se trouve tout simplement que le jour de sa création coïncidait avec la fin du Deuxième Rassemblement Maçonnique International d’Athènes. Et comme j’ai personnellement horreur des grands rassemblements de personnes, et surtout ceux dans lesquels figurent des personnalités réputées, qui ne sont pas couverts par les mass médias, j’y ai tout simplement réservé le premier article. 


Je reviens rapidement à la notion du « secret » à laquelle les francs maçons sont allergiques par nature, d’ailleurs ils ne manquent pas une occasion de le manifester. Et j’espère, au passage, que paraître critique à l’égard de la franc maçonnerie ne m’amènerait pas à être systématiquement indexé d’ « antimaçonnique ». Le préfixe « anti » comporte effectivement en lui-même le sens de « refuser à un autrui différent le droit d’exister pour le motif qu’il est cette « quelque chose » là qu’on est justement contre », ce qui n’est pas le cas de l’auteur de ces lignes, qui n’a aucune autorité pour décider du droit de quelqu’un à exister ou non. D’une autre part, j’ai toujours considéré que quand, lors d’un débat quelconque, on se précipite à indexer quelqu’un d’être l’ « anti » de ce qu’on est, c’est toujours un symptôme de faiblesse exprimé par celui qui, à court d’argument, cherche à jeter sur son interlocuteur des accusations à connotation morale et passionnelle afin de faire sortir le débat d’un débat de raison à un conflit de passions. Peut être pour éviter de mettre à découvert les zones de faiblesse de ses arguments.  

 

Ce qu’il faut noter c’est que les francs maçons ne craignent pas la qualification de « société secrète » (qu’elle soit juste ou injuste ce n’est pas cela qui importe) autant qu’ils craignent plutôt l’impression péjorative qui en découle chez l’auditeur. Car le « secret » a toujours été associé dans le subconscient collectif des masses au « danger ». Dans une classe du collège, un élève a horreur que ses camarades discutent de quelque chose sans l’inclure dans leur cercle de discussion, et c’est un réflexe d’adaptation et de survie tout à fait naturel à l’homme que d’imaginer en premier lieu que quand ses semblables le tiennent à l’écart c’est plutôt parce qu’ils essaient de lui tenter un mauvais coup. Ceci lui permet en quelque sorte d’anticiper psychologiquement un possible danger et de s’y préparer, et ce quelles que soient les assurances qu’autrui puisse lui apporter. La nature humaine est ainsi faite, et ce n’est pas les acrobaties du langage qui vont la changer.

 

Alors en franc maçonnerie on préfère utiliser l’adjectif « discrète », qui a une sonorité psychologique beaucoup moins négative et qui –théoriquement- ne suscite pas la méfiance que pourrait susciter l’adjectif « secrète ». Le choix de la qualification à utiliser pour véhiculer au public l’image souhaitée par les francs maçons sur leur propre cuisine est loin d’être motivé par un souci innocent de véracité. La correspondance entre « discrète » ou « secrète » d’une part et la réalité de la franc maçonnerie d’autre part n’est pas ce qui importe en premier lieu aux yeux de la franc maçonnerie elle-même. La priorité est plutôt de véhiculer une image saine et bien soignée sur un mouvement inconnu, donc source de méfiance et de soupçon, et il est très difficile que la franc maçonnerie puisse un jour faire de sa vérité une priorité sur sa crédibilité et sa réputation.

 

Prenons une référence objective et commune à tous en terme de linguistique élémentaire : Larousse, et signalons au passage que les mots « secret » et « discret » ne figurent pas dans le rang des concepts complexes qui, comme « liberté », « être », « égalité », « justice » ou « fraternité », peuvent être définis d’une manière contestable, ce qui est tout à fait normal vu que des philosophies entières ont cherché à travers les siècles de donner des définitions à ces mots là sans jamais en trouver une qui peut être le sujet d’un accord unanime. On peut donc se référencer légitimement à Larousse dans le cas de ces deux mots parce qu’il n’y est d’autre « arbitre » qui puisse avoir la neutralité et l’autorité d’un dictionnaire, dans ce cas précis.

 

Larousse définit l’adjectif « discret » comme suit :

 

1. Qui fait attention à ne pas gêner, qui ne s'impose pas ; réservé dans ses paroles et ses actions.
2. Qui est fait de façon à n'être pas remarqué. Un petit clin d'œil discret.
 Qui n'attire pas l'attention, sobre. Toilette discrète.
3. Qui sait garder un secret.
4. a. Math. et Phys. Se dit d'une grandeur constituée d'unités distinctes (par opp. aux grandeurs continues), d'une variation procédant par quantités entières.
b. Inform. Numérique.
5. Ling. Se dit d'une unité faisant partie d'un système et qui peut être isolée, délimitée par l'analyse.

 

La franc maçonnerie aime se revendiquer comme étant un atelier philosophique, une modeste tentative dans le champs de la philosophie du langage serait donc –quoi qu’elle puisse paraître ridicule- la bienvenue. Plongeons au cœur des définitions proposées par Larousse au mot « discret » et posons à chaque fois la question « est ce dans ce sens là du mot il pourrait y avoir un lien corrélatif entre franc maçonnerie et l’adjectif « discrète » ? »:

 

 

         Nb : on note que seules les trois premières définitions du mot peuvent être prises en compte.

 

         1. Qui fait attention à ne pas gêner, qui ne s'impose pas ; réservé dans ses paroles et ses actions. ----> Une franc maçonnerie « discrète » impliquerait alors une franc maçonnerie qui :

          i-« fait attention à ne pas gêner » : l’attribution d’un tel caractère est dénudée de bon sens, car comme on le sait tous la franc maçonnerie se présente comme une école « humaniste », donc si l’on admet cette définition que la franc maçonnerie s’attribue par elle-même, on se trouve dans la nécessité logique d’écarter ce premier élément de la    définition (1), car, dans un absolu théorique, on voit mal comment un mouvement aussi  bienfaisant peut être « gênant ». Il n’y a donc pas de motif pour que l’on fasse « attention à ne pas gêner ».

         

          ii-« qui ne s’impose pas » : là aussi cet élément de la définition (1) est à coté de la plaque, car la franc maçonnerie s’est imposé à travers une bonne partie de l’histoire, il n’y a qu’à prendre la révolution française comme exemple. Si l’on veut être plus dans le cœur de l’actualité, on voit mal comment on ne pourrait pas « s’imposer » quand on cherche à être valorisé au plus haut niveau européen. D’une façon ou d’une autre, la franc maçonnerie s’impose, c’est une réalité.

 

          iii-« réservé dans ses paroles et ses actions » : la franc maçonnerie ne connaît la réserve ni dans ses paroles ni dans ses actions. Dire « la franc maçonnerie s’impose », comme on l’avait déjà établi, implique qu’ « être réservée » est mis de coté. Parce que pour s’imposer, il faut oser, et pour oser il ne faut surtout pas avoir le goût de la réserve.  

 

Première conclusion élémentaire : l’adjectif « discrète » ne peut être appréhendé dans ce sens là, dans le cas de la franc maçonnerie.

 

         2. « Qui est fait de façon à n'être pas remarqué/Qui n'attire pas l'attention »

          La franc maçonnerie est loin de passer sans attirer l’attention et sans se faire remarquer.  A voir les polémiques qu’elle suscite il est clair que dans ce sens là l’adjectif  « discrète » est loin de lui correspondre.

 

Deuxième conclusion élémentaire : l’adjectif « discrète » ne peut être appréhendé dans ce sens là, dans le cas de la franc maçonnerie.

 

A ce stade de notre analyse, la franc maçonnerie est dans un état que je ne lui envie pas. Car elle veut se faire attribuer une qualification dont le capital de définitions est réduit à trois possibilités, et là on vient d’en épuiser logiquement les deux premières. Il est donc possible de dire que si la franc maçonnerie tient vraiment à être qualifiée de « discrète », elle doit choisir l’une de ces deux solutions :

 

1-     S’attacher de toutes ses forces à la dernière définition du mot, qui stipule que « discret » est l’équivalent de « Qui sait garder un secret. », et accepter par conséquent de cohabiter avec son plus horrible cauchemar, celui qui lui attribue un caractère secret imputable.

 

2-     Soit, ce qui serait assez ridicule et drôle mais aussi tout à fait envisageable, demander pendant l’une des réunions « discrètes » l’aide d’un linguiste franc maçon qui participe chaque année à la mise à jour de Larousse (il y en a dans tous les domaines, je ne crois pas qu’ils ne peuvent pas en trouver un qui est linguiste), de rectifier la définition de l’adjectif « discret » de telle façon qu’on trouve au mot une définition à la mesure de l’hypersensibilité de la maçonnerie au mot « secret ».

 

Conclusion finale : Dire que la franc maçonnerie est une société « discrète », c’est dire que c’est une société qui a un secret à garder et qui sait le garder.

 

Maintenant dire que la franc maçonnerie « a » un secret ou « est » un secret est la même chose, vu qu’avoir un secret c’est être en partie un secret pour les autres.

 

Voilà une bonne définition du mot « discret » que nous sert Larousse et qui serait un bon compromis entre les « discrétophiles » et les « secrétophiles ». De toute façon ce n’est pas ça le problème. Le problème c’est quand on a quelque chose à cacher aux gens ce n’est jamais et ce ne sera jamais un bon signe. Et puis dire que « n’importe qui, ou presque (admirez bien le « presque »), peut faire partie de la franc maçonnerie » ce n’est vraiment pas ce que l’on peut appeler un « argument », car on peut aussi poser sa candidature pour travailler avec la CIA mais on est ensuite obligé « de la boucler ». (Oups j’ai choisi un mauvais exemple vu que la CIA est un service « secret » et non « discret ») « Pouvoir faire partie de la franc maçonnerie » ne lève en aucun cas l’ambiguïté qui l’entoure, pour ceux qui n’y appartiennent pas et ne veulent pas y appartenir. Même les partis politiques qui se disputent le pouvoir font leurs congrès en publique et non en toute « discrétion »…

 

Mais bon, après tout, c’est après la révélation que vient la menace du silence…


  Références: "Le mot discret pour les nuls"

Publié dans Franc-maçonnerie

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